La philosophie de la science réfléchit sur des problèmes philosophiques concernant l’activité scientifique. Ces problèmes ne sont ni uniquement historiques ni limités à une science particulière. Il s’agit donc des problèmes philosophiques généraux de l’activité scientifique.
Nous avons commencé lors du premier cours du 10 novembre à nous interroger sur le pluriel du concept de science et nous avons examiné, à partir de deux hypothèses divergentes, quelques arguments classiques pour la thèse d’une différence de principe entre les sciences de la nature d’une part, les sciences humaines d’autre part.
La première hypothèse soutient que, lorsque nous évoquons ces divers domaines du savoir, nous évoquons deux branches du savoir qui ne se distinguent que par leur objet, ce qu’elles interrogent dans le monde, à savoir, pour le dire grossièrement, d’un côté la nature y compris l’être humain en tant qu’il est un être naturel, et de l’autre, l’être humain en tant qu’il n’est pas seulement un être naturel mais un être culturel. Nous entendons ici culturel dans un sens très large : l’être humain est un être culturel dans la mesure où il n’est pas seulement renvoyé à son existence biologique. Il ouvre également une dimension historique, économique, politique, etc. Mais l’hypothèse implique que la science conserve dans les deux cas les mêmes exigences.
La deuxième hypothèse consiste à soutenir que, dans cette distinction entre sciences humaines et sciences de la nature, nous séparons deux branches du savoir à propos desquelles nous ne pouvons pas employer le concept de science dans le même sens.
Nous avons donc essayé de partir d’une intuition élémentaire de la science afin de ne pas privilégier d’emblée une science spécifique (traditionnellement la physique). Cette définition provisoire était :
La science est une exigence de connaissance vraie de l’objet qu’elle s’est donné pour tâche d’élucider.
C’est muni de cette définition que nous avons parcouri les deux hypothèses afin d’examiner si nous devrons conclure à une pluralité de sciences descriptive ou conceptuelle.
La première question etait donc : Est-ce de la même façon (c’est-à-dire scientifique) que l’on connaît dans les sciences humaines et dans les sciences de la nature ? S’il ne s’agit que d’une différence d’objets alors une telle diversité serait purement descriptive et indiquerait seulement que le discours scientifique peut se porter vers des objets variés. Il y aurait, fondamentalement, une unité de la connaissance scientifique, et notre tâche serait de rechercher cette unité pour comprendre ce qu’elle est.
Dans un premier temps nous avons trouvé des arguments contre la première hypothése et notre deuxième hypothèse a trouvé son expression caricaturale dans l’expression « sciences dures, sciences molles ». C’est ce qui nous a amené à la véritable difficulté qui, lorsque nous nous interrogeons sur la connaissance scientifique, consiste à saisir ce qu’il y a de scientifique dans des démarches aussi différentes que la physique, la biologie, l’économie, la psychologie et l’histoire.
L’urgence pour une philosophie des sciences contemporaines est en effet de comprendre ce qui distingue les sciences dans leur ensemble de théories et démarches intuitivement non scientifiques, dont certaines leur paraissent franchement nocives intellectuellement ou socialement. Qu’est-ce qui sépare le continent scientifique (presqu’îles et zones limitrophes comprises) des empires de l’irrationnel ?
C’est là la question que nous allons examiner pendant le prochain cours du jeudi 8 décembre et qui sera donc notamment consacré à la question des méthodes scientifiques.
Enfin, les deux cours en 2023 seront consacrés à quelques notions transversales aux sciences, comme par exemple la notion de causalité et d’émergence.